Intrigue dans les Années noires (01) : La Wel'

Publié le par Les Nouveaux Argyropes

J'entame ici une exploration de plusieurs intrigues qui eurent lieu durant les Années Noires. Les théories impliquées dans ces intrigues sont condamnées et condamnables, mais il convient de les expliciter pour les rendre accessibles autant aux joueurs qu'aux conteurs.

« Il faut maintenant choisir, être avec nous ou contre nous. En même temps qu’Hitler nettoiera la politique, Hans Hörbiger balaiera les fausses sciences. La doctrine de la glace éternelle sera le signe de la régénération du peuple allemand. Prenez garde ! Rangez-vous à nos côtés avant qu’il ne soit trop tard ! » Lettre adressée par Hans Hörbiger aux savants d’Allemagne et d’Autriche durant l’été 1925.

 

Hans Hörbiger (1860-1931) est né le 29 novembre 1860 à Atzgersdorf (Autriche), dans la banlieue viennoise. Il passe son enfance auprès de sa mère, en Carinthie, dans le Tyrol, où sa famille est bien implantée. Il ne quitte la région que pour intégrer le Technologische Gewerbemuseum de Vienne dans le génie mécanique, mais doit arrêter ses études pour des raisons financières. Il devient alors dessinateur de soupapes de précision en 1881, puis abandonne cet emploi pour entamer une carrière militaire, qu’il délaisse aussitôt pour devenir joueur de cithare itinérant. En 1884, il reprend ses occupations de dessinateur de soupapes chez le constructeur de machines à vapeur Alfred Collman. Il s’établit également avec sa femme, dont il aura quatre enfants, dont Paul et Attila seront des acteurs de talent.

En 1891, alors qu’il est employé comme spécialiste des compresseurs par le constructeur de machines Land de Budapest, Hans Hörbiger se plonge dans l’étude des différents aspects de la chaleur et du froid. C’est en observant attentivement ces phénomènes qu’il met au point, en 1894, un nouveau système de robinet pour pompes et compresseurs. Le 7 août 1895, il dépose le brevet DRP 87267 pour sa nouvelle soupape, qui porte encore aujourd’hui le nom de « soupape Hörbiger », mais son entreprise refuse de suivre ses progrès et de le soutenir dans ses recherches. Il tourne donc le dos aux usines Land et fonde avec son ami Friedrich Wilhelm Rogler un bureau d’ingénierie. Ce bureau devient un partenaire de Siemens & Halske, un bureau d’étude de construction de Budapest, qui part pour Vienne en 1903. Hörbiger suit le mouvement et impose son entreprise Hörbiger & Co dans le domaine de la vente de licences à l’étranger.

Mais la situation florissante s’effondre en 1918, avec l’inflation et la méfiance généralisée. Hans Hörbiger peine à joindre les deux bouts, malgré les rentes de son brevet. En 1925, il décide d’offrir la direction de la florissante Hörbiger & Co à son fils Alfred et se consacre dès lors à la survie de sa famille en travaillant comme employé d’une société commerciale pour le service après-vente. Il meurt éreinté le 11 octobre 1931, à Mauer, banlieue viennoise, toujours aussi passionné par la science.

 

Sa vie serait passée sans éveiller le moindre intérêt si Hans Hörbiger n’avait pas passé la moindre de ses heures libres à la science et à rédiger des comptes-rendus de ses observations curieuses.

En 1912, l’astronome amateur Philipp Fauth publie Hörbigers Glazial-Kosmogonie (La cosmogonie glaciale de Hörbiger), une thèse de plus de huit cent pages dont la plus grande partie fut rédigée par Hans Hörbiger lui-même depuis 1894. Néanmoins, c’est Fauth, accepté dans les rangs de l’Ahnenerbe en 1938 avec le titre de professeur qui propulsera les idées de la Welteislehre (la doctrine de la glace universelle, surnommée la Wel’) à l’avant des thèses défendues par les scientifiques nazis.

 

Au cours d’un dîner, alors qu’on évoquait les sciences, ce à quoi Hitler répondait souvent « la question préalable à toute activité scientifique est de savoir qui veut savoir », on en vint à évoquer la Wel’. Alors, Hitler affirma qu’il était « tout à fait disposé à adopter les théories cosmiques de Hörbiger » avant de se lancer dans une description embrouillée des travaux de l’ingénieur. Entre 1913 et 1931, Hans Hörbiger devint le maître à penser de Hitler et de Himmler. Pour le savant, c’était une occasion d’accéder au pouvoir et de dominer enfin le monde des savants. Quant à Hitler, Hörbiger représentait son double scientifique : « Un Autrichien, Hitler, chassa les politiciens juifs ; un second Autrichien, Hörbiger, chassera les savants juifs. Par sa propre vie, le Führer a montré qu’un amateur est supérieur à un professionnel. Il a fallu un autre amateur pour nous donner une compréhension complète de l’Univers » (tract populaire de la Wel’, édité par le mensuel La clef des évènements mondiaux).

Dès 1925, Hitler offre à Hörbiger le pouvoir de suivre son chemin dans la persécution : les jeunes espoirs du parti national-socialiste interrompent les réunions et conférences d’astronomes en criant « Dehors les savants orthodoxes ! Suivez Hörbiger ! » ; distribuent des cartons « Quand nous aurons gagné, vous et vos semblables irez mendier sur le trottoir » aux directeurs des instituts scientifiques ; et poussent certains grands industriels à faire prêter un serment à leurs employés scientifiques « d’avoir confiance dans la théorie de la glace éternelle ». Tout son argent partira dans la promotion d’un socialisme magique et autoritaire autour de ses idées. Après sa mort, il n’est pas question d’oublier ses théories, et celles-ci deviennent une obligation pour la plupart des scientifiques qui rallieront la cause nazie.

 

Dans une lettre à l’ingénieur Willy Ley, qui fuit par la suite l’Allemagne nazie,  Hans Hörbiger expliquait comment la Welteislehre lui était venue durant sa jeunesse : « J’ai eu la révélation lorsque, jeune ingénieur, j’ai observé un jour une coulée d’acier fondu sur de la terre mouillée et couverte de neige : la terre explosait avec un certain retard et une grande violence. »

Voilà la base de la réflexion de Hörbiger, qu’il va relier à la création terrestre d’une manière surprenante, mais perspicace.

Il y avait dans le ciel un énorme corps à haute température, des millions de fois plus grand que notre soleil actuel. Ce corps entra en collision avec une planète géante constituée par une accumulation de glace, et le corps glacé pénétra profondément dans le super-soleil. Pendant des centaines de milliers d’années, il ne se produisit rien. Puis, la pression de la vapeur d’eau fit tout exploser.

Certains éclats se perdirent dans l’espace, d’autres retombèrent sur la masse centrale. D’autres enfin s’écartèrent dans une zone moyenne et constituèrent ainsi les planètes de notre système, que Hörbiger estimait à une trentaine en cette ère. La Lune, Jupiter, Saturne sont de glaces, les canaux de Mars sont de glace…Seule la Terre n’est pas entièrement saisie par le froid. A une distance égale à trois fois celle de Neptune gît un anneau de glace, la Voie Lactée.

Les planètes sont depuis lors sujettes à deux forces : la poussée de l’explosion, qui se tarit en raison de la résistance de l’espace, composé de vapeur d’eau et d’hydrogène, et la gravitation qui attire les planètes entre elles. Ainsi, chaque planète se rapproche lentement de  celle qui est la plus proche d’elle, jusqu’à la collision.

C’est ainsi qu’il y a eu quatre lunes pour la Terre, correspondant aux quatre ères géologiques. Chaque lune a éclaté dans son entrée dans l’atmosphère, créant un anneau de rocs, de glace et de gaz qui a fossilisé les organismes enterrés, qui ordinairement pourrissent. C’est alors la fin des êtres vivants, et la renaissance par quelques survivants.

Durant la période où le satellite se rapproche, il y a un moment de quelque centaines de milliers d’années où il tourne si près de la Terre (quatre à six rayons terrestres) que la gravitation en est profondément altérée : c’est alors que viennent les périodes de gigantismes. La première lune enterra les immenses végétaux et les insectes gigantesques, la seconde les dinosaures monstrueux, la troisième les êtres géants des civilisations de l’Atlantide.

Par contre, alors que le satellite disparaît et que cette gravitation légère n’est plus, viennent les civilisations naines : les mousses et lichens du secondaire, les petits reptiles du tertiaire ou les nains et mammifères du quaternaire. Au regard de la théorie de Hörbiger, nous sommes les nains qui succèdent aux géants de l’époque atlantéenne.

Néanmoins, Hörbiger démontre que la chute de chaque satellite n’a pas été la fin complète d’une génération et le début d’une autre, mais que la transition s’est faite par la dégénérescence d’une race gigantesque et d’une progressive élévation de l’autre, ce qui rend possible une vie partagée entre des géants et des humains, comme suggéré par les rois des tribus opposées aux Israélites dans la Bible, géants à l’égal de Samson ou de Goliath.

 

Alors que le satellite tertiaire approchait, les êtres humains devenaient de plus en plus grands, et leurs capacités cervicales également. Ils étaient de ces géants des légendes qui sont des dieux de sagesse et de puissance. Les mers étaient de plus en plus démontées autour des terres habitables, comme notamment le continent atlante. Puis, il a fallu fuir lorsque le satellite s’est écrasé, libérant les eaux souterraines et propulsant, par la force de la gravitation, les eaux vers les hauteurs, recouvrant le monde.

 En effet, avec le rapprochement du satellite, les eaux ont monté, ne laissant aux êtres que la possibilité de s’installer dans des hauteurs : le Tibet, les Andes du Titicaca, le sommet de la Nouvelle-Guinée, les hauteurs de l’Abyssinie et le Haut-Mexique. Ces régions deviennent des ports, d’où les traces d’érosion marine sur leurs falaises et l’existence du lac salé du lac Titicaca. Atlantys a disparu dans les flots, ainsi que les anciens berceaux de la civilisation des géants.

Puis, les eaux redescendent, lentement et la vie dans les hauteurs devient difficile en raison du manque d’oxygène. Il ne reste plus aux géants qu’à descendre de ces ruines de civilisations pour tenter de recréer tout, mais plus bas, dans les marécages et plaines dégorgeant encore d’eau. La disparition du satellite a inversé le cycle gravitationnel, et les êtres sont en rapetissement. Les géants se retrouvent mêlés aux humains, des seigneurs parmi les insectes, mais des seigneurs en voie d’extinction.

De ce temps où les géants étaient parmi les hommes, on retrouve aujourd’hui les ruines de Tiahuanaco, ancien port des Andes, les statues de l’île de Pâques, les pyramides de l’Ancienne Egypte et les fameux lits de fer des géants de la Bible.

 

La pensée de Hörbiger trouva des résonances particulières dans les travaux d’autres auteurs, comme Lanz von Liebenfels et Helena Petrovna Blavatsky. Celle-ci avait proposé une succession des évolutions des peuples, qui convenait tout à fait à la théorie de la Wel’ : elle évoquait tout d’abord l’existence de créatures éthérées, puis l’avènement de civilisations du nord (hyperboréennes), du sud polaire (arctogéennes), de l’ouest (atlantéennes) et de l’est (lémuriennes), qui se fondirent, après la catastrophe, en un reliquat de race supérieure, les Aryens.

Publié dans l'Histoire Invisible

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